Comment l’Emirates est devenu l’un des stades les plus chauds d’Angleterre

Après avoir éteint Anflied et, dans une moindre mesure, Villa Park, le Paris Saint-Germain poursuit son expédition punitive du Royaume-Uni avec, dès mardi, un arrêt à l’Emirates Stadium, où les hommes de Luis Enrique affrontent Arsenal en demi-finale aller de la Ligue des champions. Salement remis à leur place en octobre dernier lors de la phase de poule, les Parisiens avaient pu mesurer la chaude ambiance d’un stade qui s’est pourtant longtemps traîné une réputation de résidence de villégiature pour touristes du troisième âge.

Surnommé « The Library », la bibliothèque, pour son ambiance feutrée, l’Emirates est en effet devenu ces dernières années un stade où il ne fait pas bon voyager, tant par la qualité du jeu proposé par les Gunners que par la pression populaire tout droit venue des gradins. Président d’Arsenal Supporters Club France, l’une des deux associations françaises reconnues par le club, Vincent nous reprend.

« Le surnom “The Library” datait déjà de l’époque où Arsenal jouait à Highbury, d’où la rime, mais c’est resté avec l’arrivée du club à l’Emirates en 2006, corrige-t-il. On va dire qu’il est plus ou moins mérité. Il y a quand même un fond de vrai, du fait de la moyenne d’âge assez élevée des supporters, sans compter que c’est un stade où on retrouve beaucoup de touristes venus du monde entier chaque semaine, et forcément ils n’ont pas le même comportement au stade que des fans réguliers. »

Le Covid, la jeunesse et le boxon

Mais ça, c’était avant le Covid, qui n’a donc pas eu que des mauvais côtés finalement. Tandis que la planète respirait à nouveau et que les Français devenaient des professionnels du pain fait maison, les fans d’Arsenal, eux, en ont profité pour faire leur mue. C’est ce que nous détaille Raymond Herlihy, le président de REDactions Gunners, un groupe de supporters basé en tribune North Bank, derrière l’un des buts de l’Emirates.

« Historiquement, Arsenal avait la moyenne d’âge la plus élevée parmi tous les supporters de Premier League mais, après le Covid, une partie de ceux-ci a choisi de ne plus revenir au stade, laissant ainsi la place à une nouvelle génération, plus jeune et plus bruyante, ce qui a considérablement contribué à améliorer l’ambiance ces dernières années. »

Satisfait de ce renouvellement de population, le club a suivi et facilité ce mouvement à travers toute une série de mesures incitatives pour encourager la jeunesse londonienne à prendre place à l’Emirates plutôt qu’au pub du coin. « Le club déploie de gros moyens depuis la débâcle de la Superligue. Ils sont plus ouverts aux changements, plus à l’écoute des fans aussi comme on a pu le voir avec une politique tarifaire plus adaptée à la jeunesse. Même si l’annonce d’une nouvelle hausse des prix pour la saison prochaine constitue toutefois un recul. »

Arteta, chef de meutes et chouchou du public

Biberonné à l’ambiance du Parc des Princes au début des années 2000, Mikel Arteta ne rate jamais une occasion d’enflammer le public du nord-est de Londres à grands coups de bras levés, de poings serrés et de regards de serial killer. Dès son arrivée au club, sur les braises encore fumantes de l’ancien cimetière qu’était l’Emirates au moment du départ d’Unai Emery, le coach espagnol a fait de la question de l’ambiance un élément central de sa mission. « L’un de mes principaux objectifs, c’est de reconnecter les fans à l’équipe », avait-il annoncé lors de sa première conférence de presse en 2019.

Pour ce faire, pas de secret, il fallait déjà rebâtir une équipe capable de redonner un peu de plaisir et de gnac aux supporters, après des années à leur faire avaler de force du porridge infâme dans le gosier. Avec une jeune génération de joueurs hypertalentueux et très attachés au club (Saka, Odegaard, Saliba, Nwaneri, Lewis-Skelly), Arteta a réussi en quelques années à redonner vie au club et à son public, qui figure aujourd’hui parmi les plus chauds de Premier League… dans les gros matchs, pour le moment.

Vincent témoigne : « Sur des petits matchs, on a encore parfois des ambiances relativement soft. Lors des matchs nuls qu’on a pu faire à la maison cette saison, contre des petites équipes, on a vite senti que le public pouvait être frustré et n’encourageait plus beaucoup. Il retombe encore parfois un peu dans ses vieux travers. » Dans ces cas-là, quand ça ronque à en faire craquer le joint des sièges, il peut désormais s’appuyer sur les AA qui, s’ils ne crachent certainement sur quelques pintes avant les matchs, n’ont rien à voir avec les Alcooliques Anonymes.

Le cortège de l’« Ashburton Army »avant le match contre Manchester United, le 4 décembre dernier.  - Shaun Botterill

Quand la culture ultra gagne l’Emirates

Il s’agit de l’« Ashburton Army », un groupe de (jeunes) supporters fondés en 2019 sur un modèle ultra historiquement peu en vogue en Angleterre. Tout de noir vêtu, armés de tambours et de drapeaux, ceux-ci détonnent dans le paysage calme et feutré du supportérisme à la papa de Premier League, depuis la tribune Clock End de l’Emirates où ils ont posé leur baluchon il y a cinq ans. Et si leur présence a pu en choquer certains – « de toute manière les supporters d’Arsenal râlent toujours pour quelque chose », se marre Raymond Herlihy – le public valide globalement ce vent de fraîcheur bienvenu.

« Ils n’ont pas toujours été très bien vus car ce n’est pas dans la culture anglaise d’avoir des tambours en tribune, et de chanter tout le match sans se soucier de ce qu’il se passe sur le terrain mais, dans l’ensemble, leur présence est plutôt appréciée et reconnue », confirme notre supporter Français. Ne dépassant pas la barre des 100 membres, ceux-ci ont quand même encore du boulot avant de ressembler au Virage Auteuil. « Les ultras du PSG sont à un niveau bien supérieur et je suis sûr que l’Ashburton Army aspire à les imiter à bien des égards », reconnaît Raymond Herlihy.

Réputé outre-Manche pour mettre un boxon pas possible à l’extérieur, le Collectif Ultras Paris devra à nouveau sortir une masterclass pour se faire entendre mardi soir. Car Mikel Arteta a prévenu ses supporters, il veut que ce soit le feu de bout en bout de la rencontre : « Le message que je veux leur faire passer c’est qu’ils doivent jouer tous les ballons avec nous. Je leur demande donc d’apporter leurs crampons, leurs protège-tibias, leur short et leur maillot ! Et jouons mardi soir tous ensemble pour vivre l’une des plus belles soirées de l’Emirates ! »

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